Je n’ai pas posé mon cartable à terre pour te suivre, je n’en avais pas. C’était les vacances et le soleil gardien veillait sur l’école.
Cette école où tu étais élève il y a… il y a tellement longtemps.
Je n’étais pas né.
Je n’ai pas fait crissé la craie sur le grand tableau noir, je n’ai pas osé. J’y aurais forcément tracé des mots d’amour.
A l’école, il y a tellement de choses que l’on apprend et que l’on tait aussi.
J’étais heureux.
Je n’ai pas couru dans la cour, ni me suis caché derrière les buissons fleuris. Tu m’y aurais inévitablement rejoint.
A l’école, il y a tellement de bêtises à faire et à refaire.
J’étais redevenu enfant.
Je me suis assis à l’un des deux bureaux sortis pour une bouffée d’air dans la cour. Et toi, à l’autre. Tu m’a regardé, fier de me faire entrer dans ta mémoire.
Le temps s’est arrêté. Il m'a emmené dans un passé qui était tien.
J’avais le même âge que toi. Tu étais un enfant.
Nous étions les meilleurs copains du monde.
J’ai entendu tes rires, tes craintes, tes pleures, tes silences, tes souffrances… J’ai vu tout ce que tu m’avais raconté sur ta vie d'enfant.
Nous étions à l’école.
Et j’aimais apprendre à tes côtés.
Comme j’aime aujourd’hui que tu sois la géographie où je me perds, mes calculs sans retenues, mes sciences surnaturelles, mon Histoire hors des temps…
A l’école de la vie, je suis ton élève. Parfois ton professeur. Quel que soit le rôle de l'instant, nous répondons toujours présents.
Mais ce jour là, j’étais redevenu le copain que je n’ai jamais pu être dans la cour de ton école.
Moi ici, dans un pays.
Toi, dans un là-bas que je ne pouvais encore imaginer.
Nous faisions là l’école buissonnière à l’envers pour sauter le mur, ce mur qui me rapprochait de ton enfance.
Le mur du temps.
Pour le plaisir de chacun.
Au delà des années en trop, des années en moins. Au delà des frontières et des mers.
Je peux dire à présent que nous nous sommes assis sur les mêmes bancs, que nous sommes allés dans la même école où j’ai aimé faire ma rentrée avec toi. Peu importe la durée de cet instant.
J’attends la prochaine rentrée des classes de cette école de vie qui m’enseignera encore un peu de toi.
Et les photos peuvent bien jaunir, ton passé est mon présent et je resterai toujours cet élève de fortune que j'ai été cet après-midi d'août, cet après-midi de vacances où je me suis enrichi de toi.
Une fois encore.
Dans l'école primaire de Menzel Jemil, Tunisie.