Qu’est devenue aujourd’hui la petite Jbara ?
J’aimerais avoir de ses nouvelles, savoir ce qu’elle est devenue.
C’est la magie des bons romans, de ces histoires touchantes qui nous fait aimer ses personnages. Jusqu’à penser à eux bien après avoir fermé la dernière page du livre. Oui, j’aimerai savoir ce qu’est devenue Jbara, cette petite fille pauvre, révoltée qui vit entourée de sa famille. Entourée seulement car incomprise. A tel point qu’elle se fera rejeter et exclure parce qu’elle a aimé. Enfanté.
D’accord, elle se prostitue en cachette juste pour le goût d’un yaourt. Le fameux Raïbi Jamila qui est le seul plaisir de l'existence de petite bergère perdue dans la montagne d’un pays du Maghreb. Ses moutons seront son seul vrai manque, son regret. Comme un amour laissé malgré soi, comme la seule image de l’ombre d’un bonheur d’une enfance qui n’en était pas vraiment une.
Dans la grande ville, elle continue de se prostituer. Comment faire autrement lorsque l’on n’a que son corps sur soi ? Mais Jbara n’est pas vraiment seule. D’ailleurs, elle ne l’est jamais. Elle a son confident. Parmi tous ceux qui tournent et passent dans son existence, Lui est toujours là. Du moins lorsqu’elle le désire.
Lui, c’est Dieu.
Et là-bas, Dieu c’est Allah.
Alors elle lui parle comme on n’oserait pas le faire. Avec des mots crus, des mots de sexes, des mots de révoltes. Ses mots à elle, sans chichis, sans faux semblant. Sans fausses prières. Elle sait qu’Il est là, elle Le sent, car elle est honnête avec Lui. Directe et sans détours face à toutes les malhonnêtetés et profits que font certains en Son nom et qui l’insupporte, elle la petite. Et à travers ses confidences à Allah, elle entre dans nos cœurs. Par la grande porte. Parce que derrière son parcours, derrière cette tranche de sa vie que Saphia Azzedine nous offre avec talent et délice, Jbara recherche l’amour. L’amour d’elle-même, l’amour des autres, l’amour de la vie. Son chemin. Aidée par son seul vrai et fidèle ami (pour ne pas dire «amour ») : Allah, son confident.
Le premier roman de Saphia Azzedine est un régal. Un voyage dans une vie, dans un pays qui n’ont pas besoin de nom tant l’histoire de Jbara est celle de tant de femmes de nos jours, dans tant de pays. Certes, ce ne sera pas pour un yaourt qu’elles acceptent de donner leur corps, mais pour un confort qui y ressemble pourtant, pour une sécurité, pour une place sociale, pour un rêve. Placé dans un autre contexte, dans d’autres lieux, d’autres cultures, on n’appelle pas ça « prostitution », et pourtant quand on y pense…
Dieu ne juge pas. Il n’a pas jugé Jbara. Ni son combat. Il a vu et ressenti ses blessures, profondes et vives. Il sait, simplement. Moi, Jbara m’a touché, ému, parfois fait rire de tant de franche naïveté, de tant de franchise. Avec ses mots droits et directs qui font d’elle ce qu’elle est et sans lesquels elle n’aurait pu mener le combat de sa vie. . Et tout comme Dieu, tout comme Allah, je l’ai aimée et pense encore à elle.
Soit heureuse, Jbara.
Merci Saphia pour ce voyage. Je serai présent à votre prochain rendez-vous, c’est certain. J’attends vos mots comme on attend un billet d’avion pour partir on ne sait où, mais en toute confiance.
Juste pour le plaisir.
Inch’Allah.