On ouvre le livre et on est en 1957.
Elle, c’est Saffie. Elle est Allemande. Les souvenirs de la dernière guerre l’empêche d’avancer dans la vie. Dans sa vie. Les démons sont toujours là. L’histoire et les actes de ses parents sont aussi un des boulets qui l’empêche d’avancer. De voir. De sentir. De sourire. De parler.
Lui, c’est Raphaël. Il est Français. Musicien de renom, il part donner des concerts aux quatre coins du monde. La vie lui sourit. Comme on dit : il est bien né. Mais pendant la guerre, les Allemands leur ont pris leur bien. Et son père. Le temps ne fait rien à l’affaire et sa mère cultive encore une rancœur et une haine envers les Allemands. C’est trop frais encore. Trop dur.
L’autre, c’est Andràs. Il est Hongrois. Et juif. Il a, lui aussi, un passé qui s’accroche à sa vie. Des douleurs. Des colères. Des révoltes. Des souvenirs de la guerre (encore elle). Il a un métier : il répare les instruments de musiques.
Dès son premier regard, Raphael tombe amoureux de Saffie. Il ne sait rien d’elle. Hermétique, elle ne dit rien. Connaît-elle le sentiment d’amour ? Ils se marient. La mère de Raphaël refuse ce mariage. Comment son fils peut-il s’unir avec une Allemande après ce qu’ "ils" leur ont fait ?
Naîtra Emil. Leur enfant. Le seul. Leur petit garçon.
C’est alors que Saffie rencontre Andràs. Ils s’aiment. Fort. Elle, l’Allemande et lui, le juif. Leurs douleurs, leur passé les opposent. Paradoxalement, c’est ce qui les rassemble aussi. Eux, les amants.
Et Raphaël se réjouit de voir que sa femme, enfin, sourit, chante et est heureuse.
Mais la vie n’est pas si simple.
Emil, le petit, est au milieu de ces deux histoires, de ces deux vies. Dès sa naissance, on lui apprend le mensonge. Il a deux vies.
Jusqu'à ce que...
Nancy Huston nous raconte cette histoire de façon émouvante, prenante et en toute simplicité. Son style agréable et limpide nous fait entrer dans ce roman comme une respiration. Nous sommes directement interpellés, pris pour témoins. Parce que nous sommes dans le roman, nous aussi.
Il y a aussi un autre personnage important tout au long de cette histoire : la guerre d’Algérie que l’on vit dans son quotidien avec tout ce que cela entend. On est directement plongés dans l’Histoire avec un grand H. Histoire qui joue un rôle dans le comportement des personnages, qui les ramène à leur passé et ravive les douleurs, les angoisses et les rancœurs. Parce que rien ne finit jamais et qu’une nouvelle guerre est le prolongement de la dernière. Dans ses horreurs. Dans ce qu’elles ont d’humain aussi.
J’ai aimé ce livre. J’ai aimé cette écriture. Je l’ai lu comme on lit une lettre ancienne et oubliée écrite par un parent, un ami de cette époque, comme un secret révélé malgré lui, et que l’on retrouve au fond d’une malle, jaunie de l’empreinte d’un ange.
De l’empreinte de l’ange
"L'empreinte de l'ange" - Roman - de Nancy Huston
Editions "Babel" et en poche aux éditions "J'ai lu"